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Fondation d'art contemporain Daniel & Florence Guerlain - Paris (2004)

Artéfacts - La vie secrète des choses

Mobilier que l'on devine placé au centre de vies devenues illisibles ou de dispositifs vidés de leurs acteurs : les photographies présentées dans cette exposition cadrent des lieux d'où les hommes se sont effacés. Ce sont des ambiances anonymes tenues au silence des choses.

Artéfacts est un choix d'images qui tentent de rendre compte de la "présence" des choses lorsque cesse toute affaire humaine.

Chaque scène exposée semble organisée autour d'une histoire singulière avec sa propre intensité. Chaque œuvre possède une charge affective qui résonne de vies encore toutes proches. Considérés sous cet aspect, lieux et objets sont rendus à eux-mêmes. Ainsi les choses reviennent à elles - comme on le dirait de personnes sorties d'un endormissemement ; elles se montrent moins telles qu'elles sont (des choses), que comme des phénomènes engagés dans le cours de la vie.

Ces images font de ces objets et ces lieux l'écho de nos existences. C'est dans la simplicité de leur présence que les choses se montrent dans ce que l'on peut paradoxalement désigner comme les choses de la vie.

Que montrent ces images dans leur tentative de saisissement ?
Peut-être, simplement, ce qu'elles ont trouvé : l'objet comme signe de "l'être là".
Elles montrent ce qui se trouve là ; la simplicité des vérités qui font les apparences de la vie.

Les œuvres des 14 artistes présents dans Artéfacts nous proposent une autre lecture du temps qui passe. Loin d'être des vues sur des états de choses, les images sont des moments d'histoire visibles.

© Aline Pujo, commissaire de l'exposition

Artistes exposés : Louise Bourgeois, Jean-François Brun, Lynne Cohen, Jim Dine, Carole Fékété, Gotscho, Lucien Hervé, Candida Höfer, Rip Hopkins, Esko Männikkö, Thomas Ruff, Anri Sala, Jean-Luc Vilmouth, Regina Virserius



Independance stadium



Rip Hopkins pratique un photojournalisme informé par la peinture. Il aime explorer des pays oubliés comme ces nouvelles républiques d’Asie centrale à l’identité incertaine. Il en rapporte moins des reportages que de véritables portraits intimes constitués d’objets, de couleurs, de matières, de décors et de personnages mis en situation. Que ce soit au Tadjikistan – qui lui a valu le prix HSBC – ou, plus récemment, en Ouzbékistan, il adopte une approche documentaire où la recherche esthétique tient de plus en plus de place.

Le stade de la place de la fête de l’indépendance à Tachkent résume à lui seul l’histoire d’un pays inventé par l’URSS pour y déverser ses populations indésirables. Témoin de la période soviétique où les officiels de Moscou et d’ailleurs commémoraient la révolution de 1917, le stade réunit désormais les seuls Ouzbeks qui y célèbrent l’indépendance nationale acquise en 1991. Les minorités ethniques qui formaient l’identité de ce pays mosaïque sont contraintes à un nouvel exil. Ce sont leurs images que Rip Hopkins a réunies sous le titre Déplacés.

Les sièges ont été repeints en 1991 dans ces couleurs brillantes qu’affectionne la population locale. C’est à cette période euphorique qu’on lance la construction de l’immeuble du fond, un chantier vite arrêté faute d’argent. La composition audacieuse, l’absence de profondeur de champ, le ciel bleu intense et les couleurs saturées brouillent les rapports d’échelle et les repères spatiaux. L’image évoque un collage pop ou une abstraction géométrique des années 60 et paraît renvoyer ce peuple abondonné par la modernité à une époque coloniale dont il ne parvient pas à s’extraire.

© Pauline de Laboulaye, Fondation d’Art Contemporain Daniel & Florence Guerlain 2004

Tirage lambda monté sur aluminium 100 x 120cm